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Chaque année, près d’un million de contrôles sont réalisés parmi les bénéficiaires des aides versées par la Caisse d’allocations familiales. Un chiffre important, mais derrière ce déploiement logistique se cache un mécanisme discret : un système algorithmique d’évaluation des dossiers attribue à chaque allocataire un indice de risque. Cet indice, bien qu’invisible pour le grand public, oriente en profondeur la politique de contrôle et touche, de manière récurrente, des profils déjà exposés à une forte précarité. Pour certains foyers, un changement de situation, un revenu irrégulier ou une composition familiale atypique peuvent suffire à enclencher une vérification. Nous faisons le point sur cette information qui peut engendrer un contrôle par la CAF.
Un dispositif algorithmique évalue la probabilité de contrôle
La détection des cas jugés à surveiller ne repose pas sur une analyse aléatoire ni sur de simples suspicions humaines.
Elle s’appuie sur un dispositif automatisé, mis en place par la CAF, qui calcule un score de risque individuel pour chaque dossier.
Ce score est une valeur comprise entre 0 et 1 et plus il tend vers 1, plus le dossier est considéré comme exposé à un risque d’anomalie.
L’algorithme se fonde sur des critères multiples et variables, parmi lesquels :
- les revenus déclarés et leur régularité
- la composition du foyer (présence d’enfants, situation maritale)
- les modifications de situation signalées par l’allocataire
- l’historique des contrôles ou des rectifications antérieures
Cette mécanique permet à l’organisme de cibler les dossiers jugés les plus “fragiles” ou “instables”.
Un score élevé peut entraîner trois types de vérifications : un examen approfondi des documents justificatifs, des croisements de données avec des tiers (banques, fournisseurs d’énergie, opérateurs télécoms), ou une inspection directe au domicile.
Certains contrôles se font suite à une dénonciation à la CAF après un courrier reçu par l’organisme.
Les allocataires modestes statistiquement plus exposés
Dans les faits, cette stratégie algorithmique pénalise plus fréquemment les bénéficiaires en situation de vulnérabilité socio-économique.
Les chiffres révèlent que les parents isolés, qui représentent seulement 16 % des allocataires, concentrent à eux seuls 36 % des contrôles.
Un déséquilibre marquant, qui soulève des interrogations sur les effets concrets de cette politique automatisée.
Les mères seules, principales concernées par ce profil statistique, perçoivent souvent des aides plus conséquentes : allocation de soutien familial, complément familial, aides au logement.
Cela augmente mécaniquement leur score de risque dans les modèles prédictifs.
Les familles monoparentales sont ainsi 2,25 fois plus contrôlées que les autres. Une surreprésentation qui interroge sur le caractère équitable du traitement réservé aux différentes catégories d’allocataires.
Catégorie d’allocataires | Part dans l’ensemble des bénéficiaires | Part dans les contrôles | Risque relatif |
---|---|---|---|
Parents isolés (principalement des mères) | 16 % | 36 % | x2,25 |
Autres foyers | 84 % | 64 % | x1 |
Des recours engagés contre une sélection jugée discriminatoire
Ce déséquilibre d’apparence statistique s’est transformé en enjeu juridique. En 2024, plusieurs associations, dont La Quadrature du Net et la Ligue des droits de l’Homme, ont déposé un recours devant le Conseil d’État.
Elles dénoncent un dispositif qu’elles jugent structurellement discriminatoire.
Pour ces collectifs, la conception même de l’algorithme instaure une forme de tri social, en ciblant en priorité des profils précaires, souvent féminins, et fréquemment issus de quartiers populaires.
Au-delà du principe d’égalité devant le service public, ce sont les répercussions concrètes qui inquiètent : la suspension d’aides, même provisoire, peut entraîner un déséquilibre financier immédiat et parfois durable pour les familles concernées.
Quand j’ai intégré ce média, je publiais sur des sujets principalement liés à la grande distribution, aux Soldes ou encore aux Black-Friday. Désormais je rédige des actualités en lien avec les aides de l’état, l’energie, les allocations etc.