Faux arrêts de travail entre 9 et 15 euros : pourquoi cette fraude en ligne inquiète tant les autorités ?

arrêts de travail : fraude en ligne

Alors que les comptes de la Sécurité sociale affichent un déficit préoccupant, une fraude discrète mais bien rodée prospère dans l’ombre : l’obtention de faux arrêts de travail en ligne, vendus pour une poignée d’euros. En quelques clics, certains salariés parviennent à se faire délivrer un certificat médical frauduleux, permettant de s’absenter illégalement sans éveiller de soupçons. Le phénomène, bien que souterrain, s’intensifie et s’inscrit dans une dynamique plus large de fraude sociale numérique. À l’heure où les autorités renforcent les contrôles pour juguler les abus, les circuits d’approvisionnement en faux documents restent étonnamment accessibles. Entre usurpation d’identité de médecins et défaut de traçabilité, ce marché parallèle met à l’épreuve les dispositifs de vérification. Et les sanctions encourues, bien qu’élevées, peinent à dissuader.

Des certificats frauduleux accessibles pour quelques euros

Le principe est rodé. Des vendeurs anonymes proposent, via des groupes fermés ou des interfaces confidentielles, des certificats d’arrêt de travail générés à la demande. Le tarif est modique, généralement autour de 9 euros, et le service rapide : le document est envoyé dans un format professionnel, imitant à la perfection les certificats authentiques.

L’utilisateur choisit une pathologie bénigne (rhinopharyngite, lombalgie, état grippal) et indique la durée souhaitée de l’arrêt. Le faux certificat est alors produit, souvent au nom d’un véritable médecin dont l’identité a été détournée.

Les mécaniques les plus courantes

  • Emploi de numéros RPPS valides associés à de faux cachets numériques
  • Distribution via Telegram, WhatsApp ou sites en .onion
  • Livraisons automatisées de documents PDF, parfois accompagnées de notes de consigne pour éviter les soupçons

La facilité d’accès à ces services favorise leur propagation. Peu d’utilisateurs réalisent que leur achat les expose à un délit puni par la loi pénale, même s’ils ne l’utilisent pas in fine auprès de leur employeur.

Une prolifération difficile à juguler

L’Assurance maladie peine à contenir cette dérive. Le volume croissant d’arrêts rend les contrôles rares et ciblés, concentrés sur des cas atypiques ou prolongés. Résultat : nombre de faux passent inaperçus, engendrant des dépenses injustifiées.

En 2023, le préjudice estimé avoisine 8 millions d’euros, selon les données de la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam). Le chiffre, en hausse, ne reflète qu’une fraction des cas réels, beaucoup échappant à tout signalement.

AnnéeFraude estimée (en €)Signalements d’usurpationRéactions institutionnelles
20225,3 millions12Rappel de vigilance interne
20237,9 millions21Communication officielle
2024 (janv. – mars)2,5 millions9Signalement renforcé auprès de l’Ordre

L’Ordre des médecins a confirmé une hausse des plaintes pour usurpation, certaines identités ayant servi à établir des dizaines de faux arrêts. Ces pratiques, en plus de nuire à la santé financière du régime, entachent la réputation des praticiens concernés.

Des sanctions sévères, rarement appliquées

D’un point de vue juridique, produire ou faire usage d’un faux certificat médical constitue un faux et usage de faux, passible de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. Le Code pénal ne fait pas de distinction selon l’importance du préjudice causé.

Pourtant, les poursuites restent rares. Faute de preuve numérique suffisante ou de coopération entre plateformes et autorités judiciaires, les affaires n’aboutissent que rarement devant les tribunaux. La rapidité de diffusion et l’anonymat des échanges compliquent considérablement l’identification des auteurs.

Les leviers envisagés

  • Déploiement d’un système centralisé de certification numérique des arrêts
  • Signalements automatisés en cas de volumes d’arrêts anormaux pour un praticien
  • Campagnes de sensibilisation sur les réseaux sociaux et auprès des entreprises

Tant que ces mesures resteront au stade de projet, la fraude continuera de prospérer sur les marges numériques du système de santé, alimentée par la banalisation de pratiques illicites et la lenteur des mécanismes de contrôle.